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Dorothée Olliéric, grand reporter de guerre, simplement (1/2)

Publié le 30 août 2022 ...

#Comprendre #géopolitique #Monde

Afghanistan, Ukraine, Palestine, Israël ou encore Rwanda, des lieux de conflits où des journalistes débarquent pour mettre des images et des visages sur des actualités sombres. Parmi eux, Dorothée Olliéric s’est rendue sur tous ces ailleurs de guerre depuis trente ans. Écoutons quelques minutes ce grand reporter.

Dorothée Olliéric, dans sa vie de grand reporter, a connu à ce jour deux grandes périodes. Il y a celle de ses débuts où elle est souvent la première femme, la première Française « là où les choses sont compliquées, là où elles se passent mal ». Commençons par là…

Horizons lointains et rencontre marquante

Dorothée aime les horizons lointains et, avec en tête l’envie de devenir journaliste, elle va réaliser son premier scoop avec un dictateur, Pinochet.

Étudiante en LEA première langue espagnole, j’ai un vrai intérêt pour cette langue et les cultures sud-américaines. J’ai des amis chiliens, c’est l’époque de la dictature et ils me donnent envie d’aller voir comment on vit sous une dictature.

Par une amie dont le père est directeur du journal « L’éclair », j’obtiens une carte de correspondante locale. Cette carte en poche, je pars au Chili deux mois avec l’idée de raconter la vie quotidienne sous une dictature. 

La graine de journaliste qui est en train de pousser en moi me dit qu’il faut aussi aller voir des gens qui ne sont pas fréquentables, mais qui font l’histoire et ont des choses à dire.

Pour l’interview de Pinochet, je m’adresse tout simplement au service de presse de la présidence. Je leur explique que je travaille pour un grand journal français. J’obtiens mon interview, sans vérification de mes dires, et me retrouve, intimidée, face à un homme qui a une toute petite voix ridicule. J’ai un peu l’impression de plonger dans un livre d’histoire, puisque je boucle ce périple avec celui qui dirige le Chili depuis 13 ans, après le coup d’État de 1973. Mon papier sera publié par L’Éclair. C’était la concrétisation de mon envie de partir loin, de découvrir et de témoigner et ce sont les prémisses de mon métier de journaliste… ».

Avec la Légion au Cambodge

Dorothée entre au sein de la rédaction de France2 après son école de journalisme.  Deux ans plus tard, elle se rend au Cambodge pour deux semaines avec 350 légionnaires français. Ils viennent relever les troupes en place, dans le cadre du désarmement des Khmers rouges, opération longue, compliquée, mais nécessaire au processus de pacification du pays.

« À l’époque, on ne diffusait pas les sujets tous les deux jours. Pas de téléphone portable et on faisait du vrai grand reportage. J’ai arpenté les quatre coins du Cambodge en 4×4, à moto, à pied, en survolant la jungle en rase-mottes en hélico… ».

« Du jour au lendemain, j’ai eu l’impression de me retrouver en plein milieu d’un film. Un pays sublime, une vraie claque avec des endroits mythiques, des sujets passionnants à traiter et des Casques bleus aux petits soins de la jeune journaliste française. Là, je me dis que je fais un beau métier, même si dans des endroits comme Angkor Vat, je dois mettre mes pas dans les empreintes des militaires qui me précèdent parce que les lieux sont minés ».

« Ce n’est qu’une fois rentrée à Paris que je monte mes sujets, très loin de la rapidité et des moyens d’aujourd’hui. On avait le temps de se poser, de vivre la chose, de faire un montage, de laisser reposer… ».

Aventures en Angola

« J’ai eu la chance, malgré les risques, de découvrir des pays incroyables et c’est le cas de l’Angola. Je me souviens avoir traversé le pays. 20 heures de 4×4 dans des territoires en guerre, avec le soleil qui se lève et se couche sans voir personne.

Des paysages incroyables et des personnes que je rencontre parce que je les cherche. Rien à voir avec un séjour touristique où, finalement, on ne rencontre pas les habitants du pays…

En tant que journaliste, on découvre autre chose. On aborde un pays par un prisme particulier et unique au travers de personnes vers lesquelles on va et que l’on prend le temps d’écouter.

Un jour, c’est un pêcheur, un jour c’est un président. Un jour, c’est un narco ou une mère de famille.

Ce sont des rencontres absolument dingues et dans des lieux où il n’y a pas d’autres étrangers.

Des champs de cadavres

Le Rwanda la marquera par l’horreur de ce qu’elle voit.  « J’ai traversé des champs de cadavres, avec l’impression, parfois, de marcher sur des corps. C’est très violent. Je ne vois pas un mort, j’en vois des centaines. Ils sont mutilés, presque découpés en morceaux. Des femmes, des enfants, des femmes enceintes éventrées.

Le pire de l’inhumanité, ou de l’humanité, je ne sais pas comment dire…

 Tous ceux qui sont allés au Rwanda ont ces images ancrées dans leur mémoire, dans leur cœur pour toujours.

Mon caméraman vomissait. J’ai pris la caméra et j’ai tourné. Je me suis dit ‘‘ça passe ou ça casse’’. Je trouve en moi la force de ne pas craquer et je tiens. Je fais mes reportages, j’ai des hauts le cœur, mais je tiens.

Après ma mission (un terme qu’emploie souvent Dorothée), j’ai vécu quinze jours de cauchemars très intenses. 

Je fais encore des cauchemars de guerre, mais plus du Rwanda. C’est du style « film de guerre », 3 fois par semaine… C’est comme si je regardais un film américain, avec des bombardements, des tirs de snipers dans tous les coins, mais sans me réveiller en criant ».

« Aujourd’hui, les choses ont changé. Partout, il y a des hordes de journalistes et on n’a plus forcément le temps de grands reportages »….