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Jean-Marie Biette nous parle d’écriture, de son écriture, d’océans, de projets…

Publié le 5 juin 2025 ...

#Polar #Société

Jean-Marie Biette a écrit ce qu’il appelle des polars « voileux », comprendre des romans qui ont pour décor et personnages le monde de la voile. Je l’ai découvert avec « Rhum amer » et ai prolongé le plaisir dans une conversation dont je vous livre ici l’essentiel.

C’est dans une grande librairie bretonne  que j’ai acheté  « Rhum amer » (chronique à lire ici). À cette occasion, j’ai fait la connaissance du commissaire Rochard. Depuis, j’ai compris que derrière ce roman policier d’autres avaient pris corps. Je vais donc profiter de l’été pour peut-être retrouver Rochard… Mais avant cela, place à Jean-Marie Biette

ThB : Certains auteurs aiment bien construire leurs personnages à partir de ce qu’ils sont, de ce qu’ils aiment ou — au contraire — en leur prêtant des traits de caractère, des passions, le plus loin possible d’eux.

 Parlez-nous de la manière dont vous avez créé votre commissaire et ce qu’il porte de vous ?

JmB : J’avais envie d’un commissaire un peu à contre-courant, un peu politiquement incorrect. Mais avec des valeurs humaines très fortes, de solidarité, d’attention aux autres, d’amitié, de liberté. Il y a forcément un peu de moi là-dedans, enfin j’espère, surtout pour les bons crus et la bonne bouffe. En revanche, je sais naviguer, pas lui !

Jean Marie Biette, quand le pont du bateau devient piège

ThB : La mer est un monde que vous connaissez et pratiquez depuis longtemps. Si l’on s’arrête un instant à l’univers de la voile, on peut dire que c’est un monde qui fait rêver beaucoup de terriens, mais qui est également très fermé, sans que ce terme ait pour moi une connotation négative.

Si je pars de mes origines terriennes (est de la France), j’ai envie de dire que mes premiers souvenirs de voile dans et au large du golfe du Morbihan sont ceux d’un univers dangereux regorgeant de pièges tendus aux étourdis et aux noms mystérieux, les winchs, les bouts, la bôme, etc. Dans « Rhum amer », ce n’est pas là que sont les dangers.

ThB : Dans ce roman, vous mêlez avec brio l’univers de la voile bretonne et les mystères des Antilles.

 Comment votre propre expérience de navigateur a-t-elle nourri cette intrigue si ancrée dans ces deux mondes ?

JmB : Tout simplement, car j’ai lâchement abandonné mes études après mon Bac. D’abord pour participer à une course qui s’appelait La Baule-Dakar avec Loick Peyron. A l’époque il était le plus jeune skipper et moi le plus jeune équipier.  D’équipier, je suis passé à skipper, en Bretagne, en Méditerranée, aux Antilles, avec cinq traversées de l’Atlantique, dont une en course. J’ai navigué dans tous les lieux dont je parle dans les trois polars. Ça aide, mais c’est aussi un risque. C’est pourquoi j’ai fait attention à ne pas employer trop de termes techniques, de jargon voileux, afin que tout le monde puisse lire ces livres sans « décodeur ».

ThB : Rochard et vos lecteurs, avant de partir pour la Guadeloupe, trainent un peu dans Saint-Malo et vont finir par vous suivre sur le pont d’un « Class 40 » . Ils n’y recevront pas leur première leçon de survie sur un voilier de course. Il y a plus urgent à trier, un mort et, pour corser l’affaire, des éléments de la religion vaudou.

À Saint-Malo, on commence déjà à percevoir une touche d’exotisme. Cependant, ce n’est rien en comparaison de ce qu’on peut trouver au bout du monde, comme la découverte de mystères familiaux entourant une distillerie appartenant à une famille fortunée, d’autres vieux souvenirs de destinées initialement divergentes, mais qui finissent par se rencontrer…

ThB: Comment réussissez-vous vos cocktails où tous ces éléments, parfois explosifs, se mélangent pour le bonheur de vos lectrices et lecteurs ?

JmB : Je me nourris de tous mes souvenirs, de tous les gens que j’ai rencontrés à Saint-Malo ou aux Antilles. Et même à Madère où il y a une escale, ou encore en Dominique, une de mes iles préférées aux Antilles. Après, comme pour tout bon cocktail, il ne faut pas oublier les ingrédients,  les doser et les verser dans le bon ordre !

ThB : Comment travaillez-vous ces décors pour qu’ils deviennent des « personnages » à part entière ?

JmB : Très sérieusement ! Avant l’écriture de Rhum amer, je suis allé passer une semaine à Saint-Malo, en repérage. Puis je suis parti une semaine également naviguer en Guadeloupe, aux Saintes, à Marie-Galante et en Dominique. Durant l’écriture de Rhum amer, j’ai à nouveau navigué une quinzaine de jours dans ces mêmes coins des Antilles.

ThB : Comment travaillez-vous ces décors pour qu’ils deviennent des « personnages » à part entière ?

JmB : Très sérieusement ! Avant l’écriture de Rhum amer, je suis allé passer une semaine à Saint-Malo, en repérage. Puis je suis parti une semaine également naviguer en Guadeloupe, aux Saintes, à Marie-Galante et en Dominique. Durant l’écriture de Rhum amer, j’ai à nouveau navigué une quinzaine de jours dans ces mêmes coins des Antilles.

ThB : En tant que lecteur, j’ai souvent quelque difficulté à apprécier des romans policiers où l’humour est très présent. C’est un peu, comme si le noir ne pouvait cohabiter simplement avec ironie, plaisanterie et trait d’esprit. Avec « Rhum amer », vous faites mentir ce que je finissais par prendre pour une généralité.

 Comment parvenez-vous à allier légèreté et tension dramatique dans vos dialogues et descriptions ?

JmB :Parce que je vis comme ça ! J’ai toujours pratiqué ce mélange dans ma vie professionnelle ou personnelle. Je n’aime pas la gravité surjouée. Je n’arrive pas à fonctionner, à vivre, trop sérieusement.

ThB : La gastronomie et les bons crus, sans oublier le rhum, occupent une place importante dans les récits de Jean-Marie Biette. J’y vois des parallèles avec des auteurs du sud de l’Europe, Italie, Espagne, par exemple. La cuisine et le vin, ce sont aussi des odeurs. Des odeurs agréables qui peuvent aussi repousser les mauvais fumets de la vie. C’est un peu, comme ces flics qui glissent une pommade aux fortes odeurs de menthe dans leurs narines pour repousser l’odeur de la mort.

Ici, j’ai l’impression que Rochard et ses acolytes ont besoin de bonnes odeurs et de goûts flattant les papilles pour tenir la mort à distancer.

 Est-ce cela ou bien, pour vous, une manière d’ancrer vos histoires dans une culture sensorielle et conviviale, ou encore le moyen d’ajouter un trait de personnalité aux lieux qui vous servent de décor ?

JmB : Non, je vis comme ça, en surveillant régulièrement mon taux de cholestérol !

ThB : Parce qu’avec « Rhum amer » j’ai apprécié votre écriture et votre don à raconter des histoires et de riches trajectoires humaines, quels autres livres de votre bibliographie vous semblent essentiels pour mieux comprendre votre univers littéraire ?

JmB : J’ai toujours écrit, mais comme journaliste. Les écrivains du quotidien comme on dit. L’idée d’écrire m’est venue sur le tard, en 2012. A la demande d’un éditeur (l’Archipel), pour une Biographie de Jean-Marc Ayrault nouveau premier ministre (L’inconnu de Matignon). Puis ce fut un assai en 2015, La mer est l’avenir de la France, très proche de l’univers journalistique.

JmB : Et enfin, les polars sont arrivés par le hasard d’une rencontre avec une éditrice aimant la voile. Je lui ai fait part de mon idée de voir un bateau couper la ligne du Vendée Globe seul sous pilote automatique, sans personne à bord, ou plutôt si, avec le cadavre du skipper. Ça a donné «Meurtre à bout de course ». Et comme il a bien marché, il y a eu ensuite Rhum amer et Spi d’enfer.

ThB : Enfin, et même si j’ai un certain retard à combler avec vos autres livres, dites-moi :

 Envisagez-vous de poursuivre avec Rochard ou d’explorer d’autres univers ?

JmB : Je veux arrêter le polars «  voileux », pour ne pas que ça devienne trop récurrent. Je pense avoir fait le tour de la question. Depuis le début de l’année, j’ai commencé l’écriture d’un roman beaucoup plus personnel, dont j’ai trouvé le titre : « La vieille âme et la mer ». Voici un résumé de l’intrigue : Quand une attaque en mer sépare Esteban, 13 ans, et son grand-père Pepe, ancien haut fonctionnaire et marin chevronné, leurs vies basculent. L’un est enlevé par des narcos, l’autre abandonné à la dérive. Commence alors une odyssée bouleversante à travers les Caraïbes, les souvenirs, et les épreuves du destin.

De Haïti à la Polynésie, en passant par les fantômes de la guerre civile d’Espagne, Pepe remonte la trace de son petit-fils. Deux ans plus tard, il le retrouve, métamorphosé en jeune insulaire farouche à Raïatea, survivant d’une trahison, libre comme la mer.

Un roman d’aventure, de transmission et de résistance, entre dérive et lumière.

Une fable moderne sur les liens du sang, la mer qu’on aime et surtout le temps qui passe, terrible assassin à dompter.


Merci à Jean-Marie Biette, d’abord pour son livre, Rhum amer,  et puis de ce temps  qu’il a accepté de m’accorder.

Merci à lui, également aussi aux éditions Ouest France pour l’utilisation des couvdertures des trois polars « voileux ».


Les visuels, à l’exception des couvertures de livres ont été créés avec le concours de différentes IA génératives. 

Pour illustrer cette interview, j’ai utilisé différemment les IA génératives. En effet, habituellement, c’est souvent un jeu d’allers et de retours pour obtenir exactement ce que je veux. Aujourd’hui, je leur ai soumis des phrases prononcées par Jean-Marie Biette et, à chaque fois, sur un jeu de trois propositions, je choisissais celle qui était – à mon sens – le plus en rapport avec les propos de l’auteur.