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L’armée ukrainienne, cette inconnue au centre de ‘‘tout’’ (1/2)

Publié le 22 mars 2022 ...

#Comprendre

La guerre que mène la Russie en Ukraine a placé au centre des conversations l’armée ukrainienne. Elle se bat et résiste courageusement sans que nous la connaissions vraiment, nous qui ne sommes pas spécialistes. D’où cet article destiné à fournir quelques repères sur cette armée.

Un peu d’histoire

Même si cela semble évident à certains, il n’est pas inutile de rappeler que l’armée de l’Ukraine est née, lors de l’indépendance du pays en 1991, sur les décombres de l’armée soviétique. On chiffrait même le nombre de ces militaires ‘‘soviétiques’’ à un peu moins de 800 000 ! C’est d’ailleurs par un décret du Parlement ukrainien (la Verkhovna Rada) qu’hommes et matériels militaires présents dans le pays furent à l’origine des Forces armées ukrainiennes.

La disparition de l’URSS et la dissolution de son armée permirent à des militaires ukrainiens de rentrer. Ils grossirent les rangs de cette armée, laquelle vit ses effectifs flirter avec le million d’hommes, avant de revenir aux environs du demi-million quelques années plus tard.

Faisons un saut jusqu’en 1994 pour nous intéresser aux armes nucléaires stockées dans ce pays par l’armée soviétique. Elle y disposait en effet de plus de 1000 ogives nucléaires installées sur des missiles balistiques intercontinentaux et plus du double sur des missiles tactiques de moyenne portée.

Le mémorandum de Budapest signé par l’Ukraine, la Biélorussie et le Kazakhstan formalise le renoncement de ces pays à l’arme nucléaire. Ces armes sont ‘‘renvoyées’’ en Russie, un transfert qui prendra deux ans.

Laissons filer le temps pour retrouver l’armée ukrainienne actuelle, au moment où la Russie décide d’envahir ce pays. Nous allons la découvrir en quatre temps, en commençant par l’aide occidentale, laquelle ne permet pas de sortir de l’immobilisme hérité de l’ère soviétique. C’est donc une armée qui, comme le dirait un instituteur exigeant, « peut mieux faire », même si l’initiative au plus près du terrain existe et se concrétise au quotidien.

L’aide occidentale

Quand la Russie entre en Ukraine, elle a en face d’elle une armée qui a bénéficié d’aides conséquentes pour se moderniser.

Par exemple, elle bénéficie d’une collaboration avec la Turquie pour produire des drones, les TB2 Bayraktar, qui se sont illustrés dans la guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

Outre cette aide récente, les différentes branches de l’armée ont bénéficié pendant des années, en termes de matériel, d’une aide militaire américaine importante et variée. Les USA ont en effet livré une palette extraordinairement large de matériels allant de patrouilleurs rénovés, aux radios Harris pour la communication des troupes au sol, en passant par des missiles antichars Javelin, aujourd’hui très efficaces, face aux chars russes.

À côté de cette aide en équipement, la formation des troupes y compris de troupes spéciales a été réelle durant les années qui ont précédé la guerre actuelle, avec le concours, notamment du Canada et du Royaume-Uni.

Les spécialistes disent que cet effort d’aide n’est pas aussi efficient qu’on pourrait l’attendre, l’armée ukrainienne étant encore fortement imprégnée par la philosophie militaire de l’ex-URSS.

Un immobilisme hérité

Quand on sait que l’armée ukrainienne est née sur les décombres de l’armée soviétique, on n’est pas forcément étonné d’apprendre que cet héritage continue dans une certaine mesure à prévaloir, d’où un certain immobilisme face à l’aide occidentale, pour ne pas dire de l’OTAN, depuis quelques années.

J’en veux pour preuve un exemple donné par Joseph Henrotin[1], à propos d’un centre d’entrainement de l’infanterie. Ce centre est formaté pour entrainer des compagnies (100/250 hommes), voire des bataillons (300 à 1200 h.). L’Ukraine en est restée à une organisation par brigade (7 à 8000 h.). Cela signifie que « les bataillons passant] par ce centre [sont en réalité temporaires et sont le résultat d’un mix entre des hommes provenant de différentes unités dans lesquelles ils retourneront au terme de leur formation ». Perdus dans la masse de leurs unités initiales, inutile de croire qu’ils vont diffuser autour d’eux le savoir acquis…

Ajoutez à cela, un manque de ‘‘processus’’ précisant comment et quand utiliser telle ou telle arme — par exemple, les drones — et l’on voit à quel point l’immobilisme de cette armée, hérité de son passé soviétique, ne l’avantage pas réellement dans la guerre actuelle.


[1] Joseph Henrotin, chargé de recherche au CAPRI, dans DSI janvier/février 2022

Fort heureusement, au plus près du terrain, et peut-être en réaction à l’immobilisme des différentes strates décisionnelles, il semble que les militaires aient appris à faire preuve d’initiatives stratégiques…

Ce sera un des sujets abordés dans un deuxième article.

Par Thierry Brenet, journaliste  »géopolitique »