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Plongée dans le quotidien d’un hôpital ordinaire (épisode 3)

Publié le 10 février 2022 ...

#Comprendre #Organisation #RH

Vous connaissez maintenant Benjamin Rossi. Aujourd’hui, avec lui, intéressons-nous aux difficultés structurelles de l’hôpital sommé de faire des économies. Pour ce faire, des décisions ineptes sont prises. Ineptes, car elles fragilisent l’hôpital public tout en aggravant les déséquilibres de « la sécu ».

Perversion du système

Prenons le temps d’écouter Benjamin, de le laisser poser des faits… « C’est vrai l’hôpital dépense moins en supprimant certains services. Ainsi, mécaniquement, il facture moins à la Sécurité sociale. Concrètement, cela signifie que certains actes sont sous-traités au privé, sans pour autant que ce soit moins cher … et donc, en bout de course, le coût pour la sécurité sociale est, au mieux, le même ».

… Au mieux car, comme vous allez le voir, souvent, les actes qui ne sont plus facturés par l’hôpital le sont par le privé (laboratoires d’analyse extérieur et autres prestataires travaillant dans l’hôpital), ce qui aboutit à une majoration des dépenses. « C’est le cas, par exemple, d’une demande de scanner « tête-poumons-abdomen » faite au service de radiologie dont le fonctionnement a été privatisé.

Bien qu’exerçant ses activités à l’intérieur de l’Hôpital public, ce service ne fera pas un mais trois examens répartis sur plusieurs jours. Cela conduit à la facturation de trois actes, alors qu’avant cette privatisation, le service de radiologie public n’en facturait qu’un ».

Conséquences pour les hospitalisés

On voit bien le surcoût que cela crée pour notre système social. Malheureusement, cette privatisation ‘‘dans les murs’’ peut ajouter à la désorganisation d’autres services et avoir des conséquences sur la santé des patients.

« Trois examens différents (ceux évoqués plus haut), cela signifie très concrètement, trois injections d’un produit de contraste. Cela peut être toxique pour les reins -irradiés trois fois- de patients hospitalisés et fragiles. »

Cette activité de radiologie privatisée se déploie en utilisant le matériel ‘‘public’’. « Il peut être utilisé pour des vacations avec dépassement d’honoraires, des vacations privées qui bloquent des créneaux durant lesquels on ne pourra pas traiter des urgences, des AVC… Souvent, un IRM partagé entre les urgences et le privé crée des embouteillages ».

4 fois mieux payé

Les coupes budgétaires ne permettent pas d’offrir -vous l’imaginez des perpectives d’évolution intéressantes au personnel hospitalier, d’autant plus lorsque le privé, voire l’intérim, vient faire concurrence à la fonction publique hospitalière au sein même de l’Hôpital public. Pour illustrer cette affirmation, retournons en radiologie. Benjamin y a « croisé, il y a quelque temps déjà, un radiologue qui, aujourd’hui n’est plus employé par l’hôpital et travaille sur plusieurs structures en tant que salarié d’un prestataire. Cette personne travaille 4 jours par semaines, et peut prétendre à 11 semaines de vacances par an tout en étant payé 4 fois mieux que dans le public ».

À quoi sert notre boulot ?

Écouter Benjamin nous parler des difficultés que les soignants rencontrent au quotidien pour nous soigner ne peut qu’inquiéter sur la capacité donnée à l’hôpital public de continuer à développer, voire même conserver, une offre de soin de qualité.

Difficile en effet d’être optimiste à long terme quand il nous explique que pour « des médecins qui ont décidé de travailler dans ce type de structure pour soulager et apporter une médecine de bonne qualité à un territoire, nous faisons un aveu d’échec. Nous nous demandons à quoi ça sert, si notre boulot c’est de ne pas pouvoir prendre en charge les patients, de ne pas pouvoir faire les soins nécessaires et de transférer des patients que nous ne pouvons pas prendre en charge ? Pourquoi ne pas aller dans le privé et en avoir le salaire ? »

Je ne termine pas cette série d’articles, avec Benjamin Rossi, sur une note très positive, mais comment faire autrement ?

Pour autant, en vous ayant permis de faire quelques pas avec lui, dans son quotidien, je pense que vous serez plus attentifs à la parole de nos décideurs quand il s’agira d’agir pour cet hôpital qui est le nôtre.