Romain Mielcarek
— Bio Express—
Journaliste indépendant, spécialiste des questions de défense et de relations internationales, Romain Mielcarek a collaboré avec Le Monde Diplomatique, RFI, Society, DSI, Slate, La Vie, Air & Cosmos, LCI, Radio France Internationale (RFI)…
Docteur en sciences de l’information et de la communication il a mené une thèse sur « L’influence de la communication militaire française sur le récit médiatique de la guerre en Afghanistan ». Il enseigne le journalisme, les médias et la géopolitique dans plusieurs universités et écoles de journalisme.
« Ma thèse porte sur l’influence de la communication militaire sur le récit médiatique, au cours du conflit afghan, depuis le début des années 2000. Il s’agit ici d’évaluer quelles formes prend cette influence et par quels types de mécanismes elle peut s’appliquer (psychosociologie, biais cognitifs, manipulation, argumentation, rhétorique). Il s’agit enfin d’en mesurer l’efficacité et les résultats. Le tout à partir d’un corpus d’archives de presse d’une ampleur rarement traitée, en France comme dans le monde anglo-saxon« .
Il enseigne le journalisme, les médias et la géopolitique dans plusieurs universités et écoles de journalisme.
ThB : Quand vous avez décidé d’écrire un livre de ces rencontres sur 10 ans avec Sergueï[1], que vouliez-vous dire au lecteur ?
RM : Au-delà de ma propre expérience, le livre raconte celles de nombreuses autres personnes. Le principal message est de montrer la diversité des gens qui ont croisé le chemin des services de renseignement russes. Certains qui travaillent dans des secteurs potentiellement stratégiques. Mais d’autres qui n’imagineraient jamais être confrontés à cela : simples fonctionnaires locaux ou associations mémorielles par exemple.
Les Russes font feu de tout bois pour développer un réseau qui leur ouvrent portes et opportunités. Votre travail à vous n’est peut-être pas intéressant. Mais votre cousin qui travaille dans le nucléaire, votre voisin qui travaille dans l’armement, votre neveu qui est militaire… sont autant de cibles qu’ils peuvent atteindre à travers vous.
Un second message est de faire prendre conscience que les Russes sont agressifs sur le territoire et contre les intérêts français depuis le début des années 2010. Beaucoup n’en ont pris conscience qu’avec l’invasion générale de l’Ukraine en 2022.
Mais Moscou est en guerre depuis bien plus longtemps et pendant que nos responsables politiques, diplomatiques et militaires ignoraient le problème, eux portaient des coups et plaçaient des pions.
ThB : Finalement, et bien qu’appartenant à la GRU, Sergueï, se comporte plutôt bien ?
RM : « Bien », ça ne veut pas dire grand-chose. Je peux rire avec cet homme. Il peut être un mari aimant et un bon père pour ses enfants, je n’en sais rien. Ce qui m’intéresse et qui intéresse le public c’est que c’est un officier et un agent de renseignement.
Sous couvert de son statut diplomatique, il multiplie les activités allant à l’encontre des intérêts français, parfois en violant la loi. Par exemple en proposant à des partis politiques de financer illégalement une campagne politique. Ou en me demandant de lui fournir des documents confidentiels.
Est-ce bien ou mal ? Question de point de vue. Depuis Moscou, il fait son travail. Depuis Paris, c’est un espion.
[1] Sergueï est un espion de la GRU (services secrets de l’armée russe) basé à Paris