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David Graeber, les Lumières, les pirates et Madagascar au XVIIIème siècle

Publié le 21 août 2021 ...

J’avais découvert David Graeber au travers d’un essai assez décapant, « Bullshit Jobs » et retrouvé via son travail sur la dette. Avec son livre sur les pirates, c’est à un voyage dans le temps, dans l’espace, en compagnie de personnages mythiques, qu’il nous invite. Bienvenue à vous, passagers.

David Graeber, disons-le dès à présent, n’est pas un personnage qui invite au consensus. Cet anthropologue a en effet commencé à se faire connaître avec son essai sur les « Bullshit jobs ». Il n’est pas nécessaire d’avoir longuement étudié l’anglais pour comprendre ce que signifie cette expression et, pour celles et ceux qui voudraient découvrir ce travail, commencez par cet article publié sur Cairn.

Son second ‘‘livre – éclat’’ (Dette, 5000 ans d’histoire) retrouve une certaine actualité aujourd’hui, puisqu’Emmanuel Macron appelle à un moratoire sur la dette des pays africains, alors que la pandémie actuelle débouche sur une crise économique.

Invitation au voyage

Non, ce qui m’a donné envie d’écrire ces lignes, c’est son dernier livre traduit en français, « Les pirates des lumières », paru fin 2019. Il est, à mon sens, parfait pour s’échapper de notre confinement actuel, et ce pour au moins trois raisons, un triple voyage : dans le temps avec des pirates au XVIIIe siècle, dans l’espace puisque nous les rejoignons sur les côtes de Madagascar et, enfin, dans l’histoire des idées puisque Graeber affirme que leur société a inspiré les penseurs du siècle des Lumières.

Voyage sur des terres lointaines

Pour aller à la rencontre de cette « utopie pirate », le capitaine Graeber nous emmène sur la côte orientale de Madagascar. C’est en effet là, entre Foulpointe, l’île de Sainte-Marie et Andevoranto que les colonies pirates s’installèrent avec plus ou moins de bonheur. Ceux de Sainte-Marie, se livrant à la traite des noirs, virent se retourner contre eux les populations locales. Avec Adam Baldridge, fondateur de la ville de Sainte-Marie, vous irez même jusqu’à tisser des liens commerciaux avec New York.

Voyage parmi des pirates… ‘‘sociaux’’

Quel que soit notre âge, les pirates ont, à un moment ou un autre, fait des incursions dans nos vies. Pour certains, c’est avec Corto Maltese ou Long John Silver. Pour d’autres, avec Henry de Monfreid ou plus récemment avec les films « Pirates des Caraïbes. Ceux dont D. Graeber nous raconte l’histoire l’ont intéressé pour d’autres faits d’armes. En effet, il nous décrit des pirates ayant « expérimenté de nouvelles formes de gouvernance et de partage de la propriété ». Cela n’a, en fait, rien d’étonnant puisque les bateaux pirates « pratiquaient une forme rudimentaire d’égalitarisme] … [parfaits laboratoires de l’expérimentation démocratique ». Ainsi, sur ces navires, le capitaine était élu par l’équipage et devait tenir compte de contre-pouvoirs, le « conseil de navire » et le quartier-maître !

D.Graeber nous explique donc que ces pirates, pratiquaient de la même manière, lors de la création d’établissements permanents.

Voyage philosophique, enfin

Si, d’aventure vous lisez ce livre, votre entourage s’interrogera peut-être sur votre intérêt pour des histoires de pirates. À ces personnes, vous pourrez expliquer une des thèses développées par D. Graeber, celle de l’impact qu’eurent ces pirates sur les penseurs du siècle des Lumières. Pour lui, en effet, « le flibustier à jambe de bois, hissant le pavillon noir du défi à la face du monde] … [est tout autant une figure des Lumières que Voltaire ou Adam Smith ».