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Armes d’aujourd’hui – Ep2 : les drones

Publié le 20 juillet 2022 ...

#Comprendre #Monde #Sécurité

Avec les drones, suite de ma série dédiée aux armes de guerre d’aujourd’hui. Beaucoup plus connus que d’autres armes actuelles parce que présents dans notre quotidien, ils nous réservent cependant bien des surprises. Je vous les présente, qu'ils soient grands ou petits et même minuscules.

Les drones sont dans tous les médias et, souvent, ce sont les armes au service du faible contre les forts, celles d’un Robin des bois luttant contre tel ou tel potentat. On l’a vu, par exemple en Ukraine au service, justement de l’armée ukrainienne.

Image d’Épinal s’il en est, car les régimes autoritaires ont les leurs (Russie, Chine, Turquie, etc.). Et puis les drones sont aussi présents dans nos loisirs ou dans des vidéos de sportifs qui nous font rêver d’un bout à l’autre du monde.

Nous allons laisser ces visions idylliques pour passer derrière le rideau et découvrir ce qui, dès son origine, fut une arme venant appuyer les stratégies militaires. Après avoir suivi ses évolutions jusqu’à nos jours, nous ferons le point sur la palette de ses utilisations. Enfin, parce que le drone se prête à bien des usages au gré des imaginations des uns et des autres, nous verrons qu’il est aujourd’hui à la croisée des chemins entre des versions fort coûteuses et du ‘‘ jetable’’.

1-Histoire récente d’un auxiliaire militaire

En juillet 1917, un Français, Max Boucher réussit à faire décoller un avion sans le secours d’un pilote. L’avion s’élève à une hauteur de 50 mètres et volera sur une distance de 500 mètres. C’est peu, penserez-vous, mais c’est le premier « aéronef sans pilote » (« Unmanned Aerial Vehicle »/UAV en anglais) recensé dans l’histoire de l’aviation. À l’époque déjà, la France cherchait à créer un avion de reconnaissance volant sans présence humaine, de manière à ne pas mettre en danger la vie d’un pilote et d’un photographe.

Les Américains, de leur côté, à la même époque, travaillaient déjà à la création d’un avion sans pilote lanceur de torpilles.

On s’éloigne clairement, avec ces deux projets, de la vision anglaise qui cherchait alors à faire voler un tel UAV, mais pour servir de cible dans des entrainements. Quelques décennies plus tard, au cours de la Seconde Guerre mondiale, les Allemands jettent leurs V1 et V2 sur l’Angleterre, mais ceux-ci restent souvent considérés comme des « bombes volantes ».

Pendant la guerre froide (mai 1960), un avion-espion américain (U2) est abattu et son pilote fait prisonnier par les Soviétiques. Cet échec avivera les efforts américains de développement de tels appareils, au moins dans le domaine de la surveillance.

C’est ainsi que, pendant la guerre du Vietnam, les Américains utiliseront des drones (Firebee) pour rechercher les rampes de missiles mises à disposition des Nord-Vietnamiens par les Soviétiques. Charge aux armes classiques de les faire taire grâce aux informations collectées.

Les recherches et tests se poursuivront au fil du temps, de manière plus ou moins secrète, jusqu’à ce que le grand public découvre les drones américains qui participaient à des bombardements, dès 2004/2005 dans les zones tribales à cheval sur le Pakistan et l’Afghanistan.

Une dizaine d’années avant que ne soient connus ces « Reaper » et autres « Predator », l’Iran avait développé un drone de reconnaissance, le « Mohajer ». À l’origine, il était destiné à surveiller les mouvements de troupes irakiennes durant la guerre Iran/Irak. Commercialisé dans d’autres pays, ce drone a connu pas moins de 4 versions.

Une dizaine d’années avant que ne soient connus ces « Reaper » et autres « Predator », l’Iran avait développé un drone de reconnaissance, le « Mohajer ». À l’origine, il était destiné à surveiller les mouvements de troupes irakiennes durant la guerre Iran/Irak. Commercialisé dans d’autres pays, ce drone a connu pas moins de 4 versions.

Aujourd’hui, l’Iran ne se limite plus aux drones d’observation et surveillance mais fabrique également des drones d’attaque (voir cette vidéo[1] d’une chaine d’information israélienne, I24). Le Washington Post expliquait récemment que “l’Iran est devenu, ces dernières années, un important fabricant de drones”.

 Des drones qui intéressent la Russie, laquelle semble en avoir acheté une centaine en Juillet 2022 pour muscler sa guerre en Ukraine…

[1] Cette vidéo est une bonne introduction aux missions aujourd’hui confiées aux drones, ainsi qu’à leur omniprésence dans les conflits actuels, qu’ils soient de haute ou de basse intensité.

 Sans vouloir être complet, car ce serait trop long, dans la catégorie des drones de combat citons le « Bayraktar TB2 », un drone de combat turc largement médiatisé par ses réussites au service de l’Ukraine. Il y a également le « SUKHOI S-70 » russe, le « Wingloong » chinois, l’« IAI Heron » israélien, ou encore le « Rustom I » indien, ce dernier hésitant entre drone de combat et de surveillance.

Pour clore cet historique, sachez que les drones, contrairement à la vision que nous en avons généralement, s’acclimatent très bien aux milieux marins (iciet sous-marins ().

2-Ce que sont et font ces auxiliaires

Pour entrer dans le monde des drones, plusieurs voies sont possibles, chacune permettant de décrire une dimension de ce que sont et font ces engins qu’il serait inexact — disons-le dès à présent — de réduire à des armes. Je vous propose donc d’emprunter ces voies l’une après l’autre.

Commençons par le plus simple, celle des ‘‘performances’’ qui définissent cinq catégories communément admises. Je les synthétise dans le tableau qui suit :

Catégories de drones militaires Rayon d’action Altitude de vol (max) Autonomie Envergure
Nanodrones 2/5 kms 10 mètres 25 mn 10/15 cm
Drones « action de proximité 10/15 kms 600 mètres env. 3 Heures 3 mètres
Drone « moyen rayon d’action » 100/150 kms 3500 mètres env. 5 heures 4/5 mètres
Drone MALE (vol) Moyenne Altitude Longue Endurance 1500.1800 kms 15 000 mètres env. 24 heures 20 mètres
Drone MALE (vol) Haute Altitude Longue Endurance 10 000 kms 18 000 mètres env.40 heures 40 mètres

Pour être complet, ajoutons qu’à côté de ces drones conçus pour un usage militaire, certaines armées convertissent des drones destinés à un usage civil. De telles initiatives sont souvent le fait d’armées cherchant à contrebalancer une faiblesse numérique et/ou matérielle par des actions utilisant des savoir-faire privés. Il était en effet nécessaire d’apporter des transformations aux drones civils, notamment pour attaquer un ennemi.

Deuxième piste de découverte des drones militaires, leurs missions. Ces aéronefs sans pilote et très discrets peuvent s’approcher au plus près de l’ennemi. Leurs systèmes de vision vont aider à repérer une concentration de chars, par exemple. Naturellement, leur première mission sera la récolte d’informations. En fonction de leur autonomie, cette prise d’information pourra se transformer en surveillance plus longue. Ils peuvent également guider les tirs d’artillerie en transmettant les coordonnées nécessaires aux troupes concernées.

Enfin, au-delà de ces actions de reconnaissance et d’appui à l’artillerie, ces drones peuvent accomplir des missions d’attaque. Ce fut le cas par les troupes de l’État islamique en Syrie ou par les Houtis au Yémen (pour aller plus loin, vidéo ici).

En résumé, en fonction de leur autonomie et du matériel embarqué, les drones militaires peuvent accomplir les mêmes types de missions (repérage et récolte d’information/surveillance  » longue durée », attaque) que des avions, mais sans pilote. Nous verrons plus loin un dernier type de mission…

Ceci posé, zoomons sur l’utilisation qu’a l’armée française de ces drones. Nous pourrons ainsi donner si ce n’est des « visages », mais des noms à ces auxiliaires militaires affublés d’un nom trop vague.

Notre pays s’intéresse de longue date aux drones et c’est la guerre antiterroriste menée au Sahel qui va l’amener à s’équiper. L’objectif est de se doter de drones MALE (voir tableau plus haut) pour surveiller la zone de conflit où elle opère. Ne produisant pas ces matériels, elle acquiert, en 2013, des « MALE » américains Reaper MQ-9 de General Atomics. Il s’agit alors de conduire des actions de surveillance. La situation évoluant, notre pays décide d’armer ses drones en 2017. Passés d’actions d’observation à des actions offensives, ils sont désormais équipés de missiles et de bombes guidées.

À noter que la France ne possède pas de drones à haute altitude et longue endurance (HALE), comme le Global Hawk américain, mais quinze pays de l’OTAN ont décidé d’en acquérir et mettre en commun cinq exemplaires.

Zoomons encore plus pour, cette fois-ci, découvrir les micro (et nano) drones. Avec eux, changement de monde. Il ne s’agit plus d’aller loin et de rester discret parce que très haut, au-dessus de l’objectif à surveiller.

Non… Avec les nanodrones, on rentre par la fenêtre brisée d’une maison pour voir si elle est occupée, piégée, etc. Avec eux, on va examiner ce qu’il y a de l’autre côté d’une haie ou derrière une grange.

En effet, loin d’avoir là des armes létales, nos militaires ont entre les mains des systèmes tout à fait adaptés pour des missions de reconnaissance et de renseignement diurne et nocturne, par exemple en milieu urbain. C’est le cas du microdrone français Anafi ‘‘USA’’ de la société française Parrot ou du NX70 est également fabriqué par une autre entreprise française Novadem. À noter que la France possède un peu moins de 200 de ces petites merveilles et 500 des premières.

Enfin, et parce qu’on est toujours à la recherche de miniaturisation de ces matériels, on parle aujourd’hui de nanodrones. C’est le cas d’une sorte de grosse libellule, ou microhélicoptère, de16 centimètres de long et de seulement 33 grammes, le Black Hornet 3.

Inutile de dire que ces miniatures ne servent qu’au renseignement et même pas à la surveillance dans le temps puisque leur autonomie est de 25 minutes à de 10 mètres d’altitude (vidéo de présentation ici).

Nous avons vu les actions de récolte d’information, de surveillance (c’est-à-dire vol de plus longue durée) et les actions d’attaque, reste à évoquer les actions défensives menées avec des drones. Pour ce faire, évoquons une nouvelle ‘‘tendance’’, celle des essaims de drones avec, comme exemple celui de la défense de l’île de Taiwan.

Nous savons tous que la pression de Pékin sur Taiwan ne peut qu’aller en s’accentuant et il ne faut pas être grand clerc pour imaginer que la Chine passe un jour à l’action. Concrètement, de traverser le détroit qui la sépare de l’île de Taiwan pour l’annexer. Le déséquilibre entre les deux armées est énorme, aussi les Américains travaillent sur l’utilisation de drones volant ensemble pour contrecarrer les attaques aériennes chinoises.

Les drones composant de tels essaims sont autonomes, mais fonctionnent en réseau. Concrètement, cela signifie qu’ils ne sont plus pilotés par des opérateurs au sol, mais — sur la base d’un objectif initial — échangent entre eux des données pour évoluer dans leur stratégie.

Celle-ci peut être de plusieurs ordres. Ces groupes de drones peuvent chercher à leurrer les systèmes de lance-missiles chinois, se faisant passer pour des avions militaires. Inutile de dire qu’un seul missile chinois ne détruirait pas un tel essaim — dans sa totalité — et que ces cibles très mobiles épuiseraient sans nul doute des attaques chinoises par missiles.

Autre stratégie possible, celle de la diversion. Ces essaims serviraient de couverture antiradar à de ‘‘vrais’’ avions de chasse, permettant à ces derniers de manœuvrer en toute discrétion pour atteindre leurs cibles.

On parle ici de drones de petite taille, mais bourrés de capteurs. Chacun, de son côté va partager en instantané les informations qu’il collecte avec le reste de l’essaim pour éviter des obstacles, optimiser leur temps de vol vers un objectif, etc.

En suivant le lien joint, vous accéderez une vidéo montrant la traversée d’une ‘‘forêt’’ par un essaim de 10 drones restant groupés. Sur le bas de l’image, on voit comment ces 10 drones évitent les obstacles tout en restant groupés.  Si l’on imagine cela à plus grande échelle, c’est bluffant.

3-La croisée des chemins

Jusqu’ici, j’ai qualifié les drones d’auxiliaires permettant aux armées d’aller où des personnes ne peuvent pas se rendre, permettant ainsi d’éviter des pertes humaines.

Notre capacité à les équiper et à leur donner de l’autonomie fait que la famille de ces nouveaux venus dans nos guerres ne cesse de grandir. De ce fait, et au-delà des quatre types de missions (repérage – surveillance, attaque, défense) que remplissent ces drones, leur conception prend aujourd’hui deux directions très différentes. Les uns sont quasiment jetables quand d’autres valent des fortunes et doivent être en mesure de rentrer à la maison, une fois leur mission achevée. D’un côté, nous avons des appareils immensément coûteux comme le Northrop Gruman X47B. Ce préfigurateur de futurs drones de combat a coûté, pour son développement, environ 1 milliard de dollars. Pour cette modique somme, il peut, par exemple, atteindre une vitesse de 1100 km/h.

Et puis, à l’autre bout du spectre, il y a les « drones suicides » également qualifiés de munitions vagabondes, rôdeuses, comme la Switch Blade 300. Ces drones ne portent pas de munitions, puisqu’ils sont les munitions. Ils sont envoyés au-dessous d’un champ de bataille, à la recherche d’opportunités. Si un objectif à détruire est repéré, notre drone se jettera dessus. Dans le cas contraire, le ‘‘vagabond’’ rentrera à la maison…

Par Thierry Brenet, journaliste  »géopolitique »