Du débat au cahier des charges
La fruitière, c’est aussi le lieu où se retrouvent les paysans. Aujourd’hui, on parle de faire nation. Dans ces temps anciens, il s’agissait de « faire fruitière », de faire fructifier l’apport de chacun, et ce au profit de la communauté qui vivait sur ces terres de montagne, chiches en ressources…
Avec la fruitière, on se regroupe pour se protéger des aléas du temps et de la société et, progressivement, on va passer de la fruitière ‘‘temporaire, annuelle’’, à la fruitière qui s’installe pour durer et investit.
Le modèle s’exporte, comme ses productions et les enjeux obligent progressivement à formaliser et réguler le fonctionnement de ces systèmes productifs locaux, des systèmes productifs qui vont aussi utiliser leur ancrage territorial comme atout, comme élément différenciant. Ce génie des gens de montagne a permis à certaines fruitières de s’adapter au monde actuel et je pense que dans cette capacité à s’adapter à leur environnement on peut trouver les fondements des ‘‘premiers’’ signes de qualité que furent les AOC.
Des signes, non pas de repli, mais créatifs et dynamiques
Ce voyage dans l’histoire des fruitières, avec mes étudiants, me permet de mettre en lumière une erreur qui voit dans ces systèmes productifs locaux, des manifestations de protectionnisme local et même de repli sur soi.
C’est plutôt l’aventure de groupes de professionnels qui se sont d’abord réunis pour créer une richesse locale, avant de la protéger de mauvaises copies ; une aventure qui, en plus, démontre qu’en étant exigeant avec soi-même, on peut être reconnu partout.
Quelque part, cela me fait penser à ces petites entreprises italiennes qui, plutôt que de se faire concurrence en oubliant le reste du monde, ont su se regrouper pour, justement, conquérir le monde, depuis leurs vallées de montagne, mais c’est une autre histoire, celle des districts industriels.