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Et au milieu coulait une belle rivière… (#1)

Publié le 17 octobre 2023 ...

#Comprendre #Environnement

Préfet et président du Conseil général du Doubs se sont accordés sur la nécessité « d’accélérer le tempo face à une situation qui s’aggrave ». Ils s’exprimaient sur les pollutions de nos rivières, dont la Loue. Cette même année 2014 j’avais donné la parole à ceux qui connaissent ces rivières. En 2023 je leur ai demandé si la situation avait évolué.

TOUT CE QUE J’AI FAIT AVANT M’A AMENÉ À PARLER DE LA POLLUTION (1/3)

 Parce que nous sommes assaillis par une actualité sans cesse renouvelée et qui écrase aujourd’hui celle d’avant-hier, nous oublions vite et jugeons les paroles et actes dans l’instant et sans les mettre en perspective…

C’est dommage et ce, d’autant plus, lorsqu’il est question de la pollution de nos sols et rivières, des pollutions qui empoisonnent ce milieu complexe qu’est une rivière et tuent ses habitants.

Alors, j’ai repris contact avec ces acteurs que j’évoque plus haut. Je leur ai soumis ce que j’avais écrit à partir de leur interview. Nous n’avons rien changé si ce n’est quelques formules puisqu’il s’est passé quasiment dix ans.

Je vous propose une mise en perspective précieuse commençant en 2014 et se poursuivant en cet automne 2023…

*****

Nous sommes en 2014 et Claude Jeannerot, président du Conseil général du Doubs, lance « Il ne faut plus débattre, mais nous engager dans des mesures correctives », lors de la conférence départementale sur la Loue et les rivières comtoises. Il est vrai que, déjà il y a presque 10 ans, la situation était jugée grave, d’autant plus grave que depuis des années, les constats alarmistes se multipliaient.

Dans le même temps, des actions dites correctives sont menées, mais rien n’y fait. Les études les plus récentes aboutissent à un constat lourd de sens, « les larves d’insectes aquatiques sont deux à trois fois moins nombreuses dans nos rivières que dans les années 70 ! »

Ces constats, hors des salles de réunions de l’État et des collectivités, sont clamés de longue date par ceux qui connaissaient réellement nos rivières et, parmi eux, par les pêcheurs.

Philippe Koeberlé

est l’un d’entre eux et c’est avec lui que je débutai mes entretiens sur l’état de nos rivières.

Il m’avait alors confié sa vision de cette situation, vision précieuse pour deux raisons :

Notre homme est un scientifique (alors anesthésiste au CHU de Besançon) qui pèse ses mots et adosse ses prises de position à des réflexions rationnelles.

En second lieu, c’est un pêcheur à la mouche doté d’une connaissance réelle et approfondie de nos rivières et de leur biotope.

Ajoutons enfin qu’il est romancier et a confronté le personnage central d’« Autopsie d’une truite[1] » à une pollution dont les tenants et aboutissants étaient bien connus des habitants de la zone frontalière dans les années70/80…

« Tout ce que j’ai fait avant m’a amené à parler de la pollution »…


[1] Autopsie d’une truite (éditions Coxigrue, 2011) est le premier livre mettant en scène Séverin Menigoz, guide international de pêche. C’est encore lui que l’on retrouve dans « Le sorcier d’Ornans ».

C’est par ces mots simples et percut ants que Philippe Koeberlé plante le décor. L’homme parle d’une voix douce et assurée. Son regard renforce l’impression de détermination de ce témoin de la décadence de nos rivières comtoises.

Il est vrai qu’il a commencé « tout petit » à pêcher. Enfant, c’est en Haute-Saône qu’il fait ses armes, au bord de l’Ognon. Ses parents ont une maison de campagne au bord de l’eau, ce qui lui permet d’arpenter les berges de l’Ognon durant ses week-ends et les vacances.

Et puis un jour, il découvre la pêche à la mouche. Les débuts sont difficiles. Il faut non seulement apprendre le geste, mais aussi apprendre la rivière. L’initiation est longue et exigeante. Pas un poisson pris la première année !

Normal, les mouches, les vraies, n’ont pas tout à fait le même aspect d’une rivière à l’autre. « Ce sont les mêmes espèces, mais leur taille, leur développement diffère selon l’heure et le lieu.

Concrètement, si vous savez où le poisson a des chances de se trouver, il faut encore lui présenter la mouche qu’il attend au moment où vous pêchez ».

« L’idéal est d’avoir quelqu’un qui vous explique et, si aujourd’hui, cela n’est pas très difficile, à l’époque, il n’en allait pas de même, la pêche à la mouche n’étant pas répandue comme maintenant »…

« Il est impératif de connaître sa rivière en tant que système à part entière ». En effet, la rivière est un habitat où les truites ne se placent pas n’importe où. « Elles se placent, en fonction de leur taille à l’endroit où elles pourront se nourrir en dépensant le moins d’énergie possible ».

Pour ce qui est de la pollution de nos rivières, Philippe Koeberlé avoue s’en être rapidement rendu compte. Logique ! « Les insectes qui servent de nourriture sont totalement liés à la rivière puisqu’ils passent parfois plusieurs années à l’état larvaire dans l’eau… On a vu se raréfier les mouches puis décliner nettement au début des années 80. »

Pour ce qui est du poisson, Philippe commence à pêcher à 12/13 ans. Nous sommes dans les années 70 et, « déjà à cette époque, on était loin de la densité de poissons des années 60. Mais le véritable déclin, nous l’avons connu à partir des années 90 ».

Sa connaissance des problèmes de pollution de l’Ognon fait de lui un homme averti quant aux conséquences de la pollution de nos rivières. Ainsi, quand il passe de l’Ognon au Doubs, puis à la Loue, il se rend compte que « cela va se terminer de la même manière ».

Le temps ne le contredira pas, hélas, puisque certains avancent une baisse de 80 % de la densité de poissons dans la Loue entre 2014 et les années 70 !

Le regard de Philippe Koeberlé se fait dur pour nous dire ce qu’il voit dans cette rivière réputée pour ses truites : « En aval d’Ornans, cette rivière est presqu’un désert… ».

Au moment où j’écris ces lignes, en 2023, Philippe vient de publier un nouvel opus avec Séverin Ménigoz, mais pour l’instant  nous sommes en 2014…

Cette année là, Je découvrais Séverin Menigoz, guide de pêche dans « Autopsie d’une truite » les préoccupations environnementales de Philippe Koeberlé…