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Gülen, un homme, un réseau influent aujourd’hui pourchassé (1/2)

Publié le 9 avril 2022 ...

#Comprendre #géopolitique

Depuis quelques mois, la Turquie semble vouloir revenir dans les bonnes grâces euroatlantiques en jouant les médiateurs entre Russie et Ukraine. Cette pause médiatique m’a semblé être le bon moment pour parler de Gülen. Ce mouvement a contribué à la modernisation de la Turquie avant d’être réprimé, dès 2016.

Le 15 juillet 2016, un coup d’État est déclenché en Turquie, les putschistes déclarant par communiqué vouloir « restaurer la liberté et la démocratie ». Le président Erdogan appelle la population à soutenir son gouvernement. Cette tentative de renverser Recep Tayip Erdogan sera un échec suivi d’importantes purges, tant dans l’armée que dans la justice et les administrations. À l’époque, de nombreux analystes voient ce coup d’État comme une opportunité permettant à Erdogan d’asseoir au mieux son pouvoir.

À cette occasion, nombre d’entre nous découvrent un mouvement à la fois social et religieux, dirigé par un imam turc, Fethullah Gülen, exilé aux États-Unis. Ce mouvement, né dans les années 70 et largement présent dans le monde musulman, est réprimé avec force par la Turquie. Commençons par découvrir l’homme et son mouvement, les deux étant intimement liés. Dans un prochain article, nous reviendrons sur « la chasse aux sorcières » lancée à partir de 2016 et qui semble se prolonger encore aujourd’hui.

Fethullah Gülen

Ce dirigeant peu connu d’un mouvement musulman est né à la fin des années 30. On le dit influencé dans sa jeunesse par une forme mystique de l’Islam, le soufisme. Il se tournera plus tard vers les travaux et enseignements d’autres penseurs modernes de l’Islam qu’ils proposent de réformer. L’un d’entre eux, Sait Nursi, créera une communauté mystique qui, d’une certaine manière, servira de modèle à F. Gülen, lequel créera à son tour sa propre communauté. Nous sommes dans les années 80 et cette communauté se développe. Elle suit en cela le développement économique du pays, n’hésitant pas à s’approprier les logiques du capitalisme. La communauté crée des entreprises, des médias et des écoles privées, au travers de ses disciples. De plus en plus, on ne parle plus de la structure créée par Fethullah Gülen, comme d’un mouvement, ou d’une communauté, mais comme d’un « Hizmet », un service public.

Et puis, en 1999, Fethullah Gülen s’exile aux États-Unis, ce qui lui donne la possibilité de fréquenter en toute liberté des personnalités — religieuses et autres — qui l’ont marqué. L’homme est de plus en plus considéré comme un intellectuel qui, en matière de religion, prône le dialogue interreligieux et déclare, par exemple, qu’« étudier la physique, les mathématiques et la chimie signifie adorer Dieu. »

S’il soutient Recep Tayyip Erdogan, et son gouvernement, au début des années 2000 Fethullah Gülen commence à critiquer ses orientations dès 2011.

Erdogan vs Gülen

La rupture entre les deux hommes est consommée un peu plus tard, fin 2013. En 2014, Gülen critique ouvertement Erdogan dans la presse. Erdogan réagit en accusant son ancien soutien d’un complot qui aurait eu pour objectif d’empêcher sa réélection en 2014.

Le ton monte entre les deux hommes et Fethullah Gülen va jusqu’à reprocher à Erdogan ses actions qui pourraient, selon lui, compromettre l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne.

En 2016, Recep Tayyip Erdogan échappe à un putsch. S’ensuivront des purges très importantes et Fethullah Gülen, ainsi que le « Hizmet » seront accusés d’être à l’origine de cette tentative avortée de coup d’État. Les demandes d’extradition adressées par la Turquie aux États-Unis seront toutes repoussées.

Les deux hommes se sont épaulés, chacun bénéficiant des forces de l’autre, mais cette complémentarité s’est achevée en 2016. Fethullah Gülen, réfugié aux États-Unis, a perdu une partie de sa fortune. Quant au « Hizmet », il a perdu une partie de ses ressources, à savoir celle liée à ses activités en Turquie, aujourd’hui interdite. La chasse aux gülénistes n’a épargné aucun secteur de la société turque, sa fonction publique, sa justice comme son armée. Pour mémoire, 100000 personnes ont été renvoyées du secteur public, 23000 de l’armée et 4000 magistrats ont subi le même sort.

Dans un article, à venir, repartant du Hizmet des années 2010, nous verrons ce qu’il est devenu en 2022, en Turquie et ailleurs dans le monde…

Par Thierry Brenet