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L’armée ukrainienne, cette inconnue au centre de ‘‘tout’’ (2/2)

Publié le 3 avril 2022 ...

#Comprendre #Sécurité

Nous avons laissé l’armée ukrainienne sur un constat d’immobilisme. Il n’est en effet pas simple de transformer une armée d’environ 150/200 000 hommes en quelques années, d’autant plus lorsque les outils de cette transformation ‘‘manquent’’. Repartons de cette inadaptation pour arriver en 2022.

Après la disparition de l’Union soviétique, l’Ukraine vit des années difficiles, tant sur le plan financier que sur le plan politique et géopolitique. Ainsi, le pays va passer d’un président favorable à un rapprochement avec l’UE et l’OTAN (Viktor Iouchtchenko, 2005/2010) à un président plutôt proche de la Russie ( Viktor Ianoukovytch, 2010/2014). Ce dernier dirige un pays au bord de de la faillite et recule sur les négociations avec l’UE. Cela provoque des manifestations avec un point de cristallisation, la place de Maidan ,et conduira le président à démissionner. Il faudra attendre quelques mois pour que le gouvernement intérimaire (pro-européen) débouche sur des élections qui verront Petro Porochenko devenir président. En 2019, Volodymyr Zelensky le remplacera.

Peut mieux faire

La période 2005/2014 est donc une période difficile durant laquelle l’armée ne fait pas forcément l’objet de toutes les attentions et son budget est à l’avenant. Il y a certes des volontés de transformer, moderniser l’armée ukrainienne, comme de la nettoyer d’une corruption réelle, mais rien n’est simple. Ainsi, comme le rappelle Joseph Henrotin dans un article publié dans DSI[1], « après la révolution de Maidan un bureau de réforme [de l’armée] a bien été créé, de manière à introduire un meilleur contrôle civil et à moderniser la bureaucratie -dont la complexité favorise une corruption quasi-endémique (…) mais le bureau n’a jamais pu aller au bout de ses tâches et n’a de toute manière jamais été intégré au ministère de la défense ».

On ne peut donc s’étonner du fonctionnement de cette armée, fort bien illustré par le fait qu’un militaire est financièrement responsable du matériel mis à sa disposition.


[1] Joseph Henrotin, chargé de recherche au CAPRI, dans DSI janvier/février 2022

Toutes ces lourdeurs, tous ces freins à un fonctionnement plus fluide, sont heureusement contrebalancés par la personnalité des soldats et – si l’on a en tête le conflit actuel- par la population même.

Initiatives au plus près du terrain

Pour comprendre concrètement, la capacité d’initiative des soldats ukrainiens sur le terrain, il faut avoir en tête le fait que l’Ukraine est en guerre depuis 2014 avec les séparatistes du Donbass. Cette guerre a connu différents développements, mais retenez qu’elle a fait un peu plus de 4000 morts entre 2014 et 2020 au sein des forces ukrainiennes (pour plus de 5600 chez les séparatistes prorusses). Les soldats ukrainiens ont donc l’habitude des champs de bataille et savent y faire preuve d’initiative.

Ainsi, si le bilan du matériel détenu par cette armée n’est pas des meilleurs, sa capacité à transporter des troupes s’avère moins dépassée que, par exemple ses chars et ses systèmes antiaériens datant de l’ère soviétique et aujourd’hui totalement dépassés dans un affrontement classique. Idem pour les actions menées avec des drones.

Population et volontaires en guerre

Connaissez-vous Aerozvidka ? A l’origine, en 2014, ce sont des passionnés et des ingénieurs qui créent un groupe spécialisé dans les drones. Aujourd’hui, huit ans plus tard, les drones améliorés de cette unité, maintenant intégrée à l’armée,  mènent des attaques nocturnes contre des cibles qui leur sont indiquées. Ils utilisent le système satellitaire d’Elon Musk -Starlink- pour se diriger et « ajuster » leurs tirs.

Ailleurs, et avec d’autres moyens, ce sont les nouvelles recrues des « Forces de défense territoriales ukrainiennes » qui s’entraînent. Ces volontaires achètent leur propre équipement (hors armes) répètent et répètent des gestes qui doivent devenir des automatismes.

Ces unités constituées avec des volontaires -pour boucler avec la guerre du Donbass ont déjà existé en 2014, avec 37 bataillons qui ont combattu aux côtés des militaires.