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Mario Colonel, une rencontre au Chamonix photo Festival (2/5)

Publié le 30 octobre 2023 ...

#Comprendre #Environnement

S’il y a un Chamoniard incontournable dès que l’on parle montagne, nature ou encore alpinisme, c’est bien Mario Colonel.... Auteur, alpiniste, photographe, galeriste, font partie des nombreux métiers exercés par cet homme au regard doux et qui trouve toujours un peu de temps pour vous écouter.

Mario sait donc se rendre disponible. Par contre, à quelques encablures de novembre, il est fort occupé. Normal depuis quelques mois avec ses acolytes, Baptiste Deturche et Pierre Raphoz, il est très pris.

Un nouveau festival est en train de naître, sorti des rêves de ces trois hommes, le « Chamonix Photo Festival ». Autour de lui, il a su réunir nombre d’autres professionnels comme Éric Courcier (astrophotographe) ou encore Gilles Petetin (photographe animalier). Bientôt, il partira pour d’autres horizons montagneux (Népal), mais il a pris un peu de temps…

Une galerie dédiée à la montagne

Quand vous arrivez au centre de Chamonix, à peu près en face du « Pointe Isabelle »[1], vous ne pouvez pas manquer la grande vitrine de la galerie de Mario. Celle-ci, sur plusieurs niveaux, fait évidemment la part belle à la photographie de montagne, mais pas que… Mario va nous en parler…


[1] Hôtel de Chamonix portant le prénom d’Isabella Straton, une jeune femme qui quitta l’Angleterre à l’époque victorienne et devint alpiniste dans les Alpes françaises.


 

« La galerie est née il y a 16 ans. Après 30 années comme reporter (textes et photos) pour de nombreux magazines, dont “Montagnes Magazine”, “Grands Reportages”, ou “l’Équipe Magazine”, j’ai eu envie de pérenniser mon travail avec mes photos de montagne, parfois devenues iconiques.

En parallèle, j’ai publié de nombreux ouvrages (25 livres aujourd’hui) et obtenu de nombreux prix même sur le continent américain. L’envie d’ouvrir une belle galerie s’est imposée pour présenter mes plus belles images, mes livres, avec des tirages d’art, en noir et blanc, tirés à 30 copies. Le succès a tout de suite été là.

Quelques années plus tard, en agrandissant la galerie avec un deuxième étage, j’ai décidé de créer un espace “invité” avec des photographes, surtout animaliers. J’admirais leur travail et ça complétait bien les photos de montagne. Le premier avec qui j’ai inauguré cet espace c’était mon ami, Vincent Munier et ça a tout de suite fonctionné. Aujourd’hui, Daisy Gilardini, Jérémie Villet, Andy Parkinson (du National Géographic) sont mes invités permanents.

Enfin sont venus des sculpteurs qui travaillent sur  les sports de montagne (plutôt rares) et la galerie s’est imposée comme la galerie de l’image de montagne et de nature ».

Le Chamonix Photo Festival

De vos photos, à celles présentées par d’autres au Majestic (Chamonix), ou au Kandahar (Les Houches), il y a la même volonté de sensibiliser le grand public, à la fois au travail des photographes, mais aussi à la fragilité des écosystèmes que tous vous parcourez. Comment voyez-vous les développements à venir de ce festival ?

« À 60 ans passés, je suis plutôt dans la transmission. En parcourant la montagne, dans les Alpes, en Himalaya, j’ai pu constater, en 40 ans, la dégradation des derniers espaces encore sauvages. Chamonix depuis toujours vit de son image d’exploits, de performances. Mais aujourd’hui, qui se soucie de savoir que monsieur Tartempion a mis une minute de moins pour gravir le Mont-Blanc ou l’Everest ?

Le paradigme a changé. Depuis la vallée, on voit le recul des glaciers, la dégradation de la montagne.

Et, en même temps, il y a ici une biodiversité incroyable. Une centaine de cerfs, plusieurs meutes de loups, évidemment des bouquetins, des chamois à profusion. L’idée de ce festival a été de mettre d’abord la nature au centre de notre préoccupation. Cette formidable vallée pourrait être le lieu idéal d’une université des changements climatiques. C’est si facile depuis le village de montrer aux visiteurs l’évolution de nos montagnes et l’impact du changement climatique.

Un festival qui fait la part belle à l’émerveillement à travers la photo, voici le point de départ. Et notre première édition partie de rien est déjà un succès. Plus de 4000 visiteurs avec des retours incroyables, des locaux comme des touristes.

On a besoin aujourd’hui de se nourrir de la beauté du monde !

Dans les années à venir, on va sans doute se développer, mais nous sommes des montagnards, on va y aller pas à pas… »

L’Himalaya, une autre passion

Dans la vidéo[1] présente sur votre site internet et par laquelle vous nous présentez votre galerie, vous vous arrêtez devant la photo d’une adolescente, Dolma. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?


[1] https://youtu.be/IQ5M4rI3JDU


 

« Je parcours la chaine himalayenne depuis presque 40 ans, avec toujours la même émotion. En 1986, je partais sur le “Tour des Annapurnas” avec ma chérie (devenue depuis ma femme) et nous savions que nous allions rencontrer des peuples qui, dix ans auparavant, n’avaient encore jamais vu un Occidental. Ce fut un choc, comme si nous étions Lewis et Clark découvrant les tribus amérindiennes. Bien qu’alpiniste d’un bon niveau, je n’ai jamais été attiré par les hauts sommets. Trop dur et surtout, on ne peut pas travailler à 8000 m d’altitude. Pour moi, cette chaine incroyable c’est une rencontre avec des peuples, des cultures, tout ça sous la tutelle des plus hautes montagnes de la Terre. J’aide là bas, beaucoup de monde, mais ma plus belle rencontre c’est Dolma. C’est une histoire de photo comme on les aime. J’ai photographié cette petite fille dans une fête au Tibet Oriental (en demandant l’autorisation à sa maman) en 2013. Elle avait 6 ans.

Rentré à Chamonix, j’ai commencé à vendre régulièrement cette photo. Elle a fini par m’habiter. Au bout de plusieurs années, j’ai proposé à un ami réalisateur (Bertrand Delapierre) de partir à sa recherche. Je n’avais que de maigres indices, l’endroit de base, un monastère, et la région, le Kham. La chaine Ushuaia TV a décidé de nous suivre. Nous sommes partis une première fois 40 jours à travers montagnes et camps nomades à sa recherche. Sans la trouver.

J’ai alors demandé à mon guide (qui par la suite a organisé avec Vincent Munier, le tournage de la “Panthère des neiges”) de la chercher pendant l’hiver.

Il a mis des affiches dans la région et un jour, il a reçu un appel. Nous sommes donc partis la rencontrer l’été suivant. Ce fut une rencontre magnifique. La famille était une famille de nomades qui avait tout abandonné et vivait dans la précarité pour donner une éducation à leurs deux filles. »

« Les enfants du toit du monde »

Dites-nous également quelques mots de l’association « les enfants du toit du monde » que vous présidez

« En rentrant de ce voyage, j’ai monté une petite association pour les aider, et depuis, je soutiens Dolma dans ses études. J’y suis retourné avec mon épouse. Chaque semaine, nous communiquons. Elle vient de rentrer en seconde à 900 kilomètres de chez elle (3 jours de voiture). Elle veut être médecin. Mais elle aurait pu décider d’être bergère, ce qui compte c’est le chemin qu’elle suit et le regard que je lui offre, tourné vers le monde et les autres. Désormais, elle sait qu’elle ne sera jamais seule et qu’elle a un ange gardien, quelque part dans le monde… »


PS : On peut commander le DVD de ce reportage sur le site de la galerie (ici), pour aider Dolma


 

Une galerie qui accueille des amis

Pour revenir à Chamonix, dans votre galerie, vous avez accueilli le travail d’un artiste qui n’est pas photographe, Paolo Albertelli. Parlez-nous de lui avec son autre approche de la montagne.

« Paolo Albertelli n’est plus présent chez moi depuis quelques mois, il a pris son envol et devient un artiste reconnu. Malheureusement, et je le regrette, mais il n’a plus le temps de faire des pièces pour la galerie.

Mais d’autres sculpteurs sont venus se greffer à la galerie.

Entre autres, Gérard Ducret qui, avec ses pierres rugueuses, compose des scènes avec des skieurs, des alpinistes. Il y a dans ses œuvres une touche de poésie.

Un ébéniste belge, Michel Lefebvre vient aussi de nous rejoindre. Travaillant le bois, il dessine des lignes d’escalade sur des montagnes fantasmagoriques, des voies imaginaires dont rêvent tous les grimpeurs. »

Et maintenant, le Népal

Après le Chamonix Photo Festival, Mario Colonel a eu peu de temps pour se reposer. En effet, moins de deux jours après que le rideau se soit baissé, il bouclait son sac pour un long voyage. C’est d’ailleurs dans l’avion qui l’emmène au Népal  qu’il apporte sa dernière touche à notre échange.

« C’est, je crois, mon douzième voyage là-bas, au Népal. Une fois qu’on a gouté à cette région, pour un peu qu’on aime marcher, on y revient.

J’y ai une autre famille. Je pars avec un jeune Sherpa qui est venu plusieurs fois à Chamonix. On a souvent grimpé ou skié ensemble. Il a un doctorat de théologie, parle 5 langues, a gravi deux fois l’Everest, mais vient de renoncer à être lama. C’est le troisième de la famille. Et chez les Sherpas (qui résident au pied de l’Everest), c’est au cadet de s’occuper des vieux parents. Il s’est donc marié et encadre, quand il n’est pas dans son village dans le Khumbu, des groupes de trek.

Nous partons ensemble pour passer dans la vallée de la Rowaling un col à 5700 m et si les conditions sont bonnes, on fera un petit sommet (le Pachermo) à 6200 m. Avec un angle de vue différent sur L’Everest. Je ne me referai jamais, je demeure un alpiniste-photographe ou le contraire.

Peu importe, ce qui compte c’est que je reste un être passionné par la beauté des montagnes et du monde qui nous entoure… »