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Mike Davis, l’anthropologue qui m’a fait réfléchir à la ville

Publié le 3 décembre 2022 ...

#Aménagement #Comprendre

Un anthropologue qui sort de sa spécialité produit des travaux intéressant un public élargi, voire provocateurs ? C’est le cas de Mike Davis. D’où l’envie de vous conseiller trois livres, vraiment pas ennuyeux, mais qui vous feront peut-être porter un œil un peu différent sur notre monde urbain.

Mike Davis est mort fin octobre 2022 et, à l’instar d’un autre anthropologue — quelque peu anarchiste comme lui —, il nous laisse des travaux et réflexions qui sont tout à fait d’actualité. Nous commencerons par Dubaï, avant de nous envoler vers Los Angeles pour les deux autres livres que j’ai choisis.

Avant cela, quelques mots de cet homme, de sa trajectoire, qui n’a rien d’académique. Cette microbiographie expliquera la dimension concrète de ses travaux aux racines chevillées dans notre quotidien.

Camionneur, étudiant et ‘‘prof’’

Mike Davis est un enfant de Californie. Il fera un saut sur la côte est, à New York, ville où il se rapprochera d’un groupe d’étudiants de la gauche radicale. Plus tard, il se fera camionneur puis reprendra ses études à Los Angeles (UCLA). Il voyagera à cette époque en Europe (Londres, Belfast…). Et puis, à la fin des années 80, il obtient un premier poste d’enseignant à l’UCLA. Il ne lui faudra que trois ans pour écrire et publier le livre qui l’a rendu célèbre « City of Quartz », livre qui explore Los Angeles sous de multiples angles.

Dubaï, pour commencer

Mike Davis, depuis son premier livre (City of quartz), travaille sur la ville. Le lire, c’est voir une ville vivante, une ville qui se développe sous l’impulsion de décideurs, lesquels poursuivent leurs objectifs sans toujours se soucier de leurs conséquences, sociales et environnementales. À Dubaï, personne ne peut l’ignorer aujourd’hui, les coûts humains et environnementaux de la création de cette « débauche architecturale ».

En 2007, quasi prophétique, Mike Davis écrit un tout petit livre sur cette ville où, « malgré son climat infernal, les hôtels les plus chics disposent de piscines réfrigérées ». Laissons de côté cette dimension touristique qui s’illustre dans cette île artificielle, qui a la forme d’un palmier, pour revenir aux objectifs qui président au développement d’une ville…

En la matière, Dubaï est loin de ces villes qui se développent selon des documents d’urbanisme tenant compte des besoins des populations. Pour nous en convaincre, Mike Davis reprend les propos d’un promoteur immobilier qui confiait au Financial Times à propos des projets extravagants qui voient le jour à Dubaï « tous ensemble, ils contribuent à construire une marque ».

Ainsi, Dubaï est devenue « le prototype de la ville post-globale dont la fonction est plutôt d’éveiller des désirs que de résoudre des problèmes ». C’est du moins ce qu’en pense un urbaniste de renom, George Katodrytis. La ville comme levier de création d’une marque…

Blade Runner et Los Angeles

Deuxième petit livre, celui-ci consacré à Los Angeles, « Au-delà de Blade Runner ». Avec un tel titre, on ne voit pas vraiment où veut nous emmener notre anthropologue. Si le sous-titre (Los Angeles et l’imagination du désastre) nous en dit un peu plus, il faut aller un peu plus loin pour établir un lien entre l’apocalypse selon Blade Runner et la ville des anges. L’auteur nous décrit, données à l’appui, comment dans cette ville, la mixité sociale n’existe plus « par le cloisonnement strict des populations » . C’est fort, parce que documenté…

“The” City of Quartz

Plus récent que les deux petits opus vus précédemment, City Of Quartz a la taille d’un bon polar américain. Il en a, à mon avis, l’écriture et les décors puisqu’avec lui le lecteur arpente les rues de Los Angeles. C’est le livre qui a fait connaître Mike Davis auprès du grand public européen.

Pour vous parler de ce livre, en quelques mots, je reprendrai la préface de Marc Saint-Upéry. « Le noyau de City of Quartz est sans doute dans le chapitre 4, la forteresse L. A.. Mike Davis y analyse la privatisation et la militarisation sournoise de l’espace public à travers les innovations urbanistiques et architecturales et les technologies du contrôle policier ».

Les sous-titres qu’il donne aux parties de ce chapitre sont fort parlants, dont ceux-ci, « la cité interdite », « la peur des foules » (référence aux « gated communities », « le centre commercial panoptique » (référence au monde carcéral).